Le voisin que je n’ai pas salué

(c) Ultra Nan

Par MARIE-CLAUDE PARADIS-VIGNEAULT

Il y a quelques jours, Sonia Bolduc de la Tribune s’adressait aux cyniques sur Facebook, pour nous demander qu’est-ce qui nous émouvait ces derniers temps? Je me suis sentie interpellée. Malgré ma joie de vivre – parfois intense et débordante – je ne suis ni optimiste ni de la lignée philosophique des Rousseau de ce monde.

J’ai alors répondu ceci: Des gens qui se saluent pour la première fois. Qui lèvent la tête vers leurs voisins, d’autres passant.e.s, puis comme ils n’ont pas vu « leur » monde depuis des semaines, ont soudainement un sentiment de proximité envers les humains qu’ils croisent.

Tantôt, en revenant de ma ride de vélo, high d’endorphines, j’ai pour la première fois initié une conversation avec mes voisins de gauche. Quant à celle de droite, c’est Nancy Squires, propriétaire de l’épicerie en vrac le Silo, avec qui je palabre sur le trottoir et d’un balcon à l’autre, depuis mon arrivée à Sherbrooke.

La petite âgée de quatre ans et moi, on s’est donc mises à jaser d’un sujet crucial en ces temps de pandémie: nos cheveux. La chanceuse, sa maman peut la coiffer à tous les jours! Elle était bien fière de me monter ses 5 pompons, et les carrés qu’ils dessinent sur sa tête. Elle m’a aussi demandé si j’étais capable de me faire de petites tresses. Je lui ai expliqué que mes cheveux étaient malheureusement trop lisses, qu’ils glissaient. Ok. Je m’arrête là, voilà une trop grande digression capillaire!

En discutant avec son père, j’ai appris qu’ils déménageraient sous peu à Montréal ou Ottawa, parce qu’ils peinaient à trouver du travail en Estrie. Et c’est là que j’ai réalisé que ça fait deux ans que nous sommes voisins, mais que c’est la première fois que je prends le temps de leur faire un brin de jasette.

Ils sont de nouveaux arrivants, et je n’ai pas été là pour les accueillir alors qu’ils vivaient les premières étapes fondamentales de leur arrivée. Le sentiment de « cheapitude » que j’ai, vous n’avez pas idée.

Non seulement ça, mais en plus, j’ai le souvenir sur la conscience qu’une fois, alors que le père était à l’arrêt de bus en face de chez-moi, sous la barre des moins vingt degrés celsius, m’avait salué d’un gentil « bonjour », emmitouflé sous son foulard, sauf que moi, trop pressée par le froid, je n’ai compris ses salutations qu’une fois rendue quelques mètres plus loin. Je me souviens de m’être alors posée la question: « Oh! je devrais peut-être revenir sur mes pas et m’excuser de mon absence? » Malheureusement, j’ai finalement continué mon chemin. Trop pressée ou trop gênée.

J’ai le coeur sur la main, mais ça m’arrive d’être absente des autres. Et là, en cette période de crise, ce qu’on a sûrement le plus de besoin, c’est de co-présence.

Je vais essayer d’être là à l’avenir, de revenir sur mes pas quand ma conscience me le dicte, et d’accueillir pour vrai, mes nouveaux voisins. Parce qu’on a toute notre humanité en commun.

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