Ce cancer entre nous

Récemment, je lisais « Le ciel est back order » de Nathalie Plaat. Sur le coup, je n’ai pu en terminer la lecture. Parce que le sujet est si bien exprimé – quelle plume extraordinaire elle a pour parler de son cancer! – et trop près de moi – d’une proximité enfouie jusqu’à ce moment-là – il a fallu que je prenne une pause après seulement quelques phrases. Je n’étais pas prête à accueillir ce que l’auteure m’offrait, encore moins à ouvrir ma trappe à deuils et à douleurs.

Le texte sur le « hold », je suis partie au boulot à vélo, la gorge nouée, les yeux embrumés, le souffle court, coupé par mes émotions. La porte de ma trappe c’était ouverte, laissant remonter à la surface des souvenirs de « crabes ». J’ai côtoyé le cancer de près deux fois dans ma vie aux côtés de femmes qui me sont chères. Ma grand-mère en est décédée, et celui de ma belle-mère s’est enrayé après plusieurs mois de chimiothérapie. Ce qui m’a troublée en lisant « Le ciel est back order », c’est de devoir à nouveau faire face aux souffrances familiales qui ont eu lieu il y a près de vingt ans. On dirait bien qu’elles ne s’effacent jamais complètement de nos vies, nos souffrances. Nous pouvons les porter à la vue de tous pendant un temps, idéalement pas trop longtemps selon la norme, ensuite essayer de les enfouir dans une cave intérieure (la mienne est pas pire décorée),  marcher dessus et se relever pour avancer, mais elles ne nous quittent pas. Jamais complètement. Puis des fois, à des moments où on s’y attend le moins, par exemple le matin en faisant sa revue de presse, elles peuvent émerger sous les mots de Nathalie Plaat.

Ce qui est ensuite apparu sous une nouvelle lumière quand j’ai repris la lecture de ses chroniques – je les ai toutes lues depuis, et au complet – ce sont les instants de tendresse liés à la maladie. Lire « T’es belle » m’a rappelé le jour où j’ai rasé les cheveux de ma belle-mère alors happée par le cancer du sein. Cet acte de passage a laissé une marque d’affection indélébile entre nous, et dans ma vie de femme. À dix-sept ans, le « clipper » entre les mains, j’ai eu le privilège de faire face à la maladie et de l’accompagner dans ce moment décisif, celui où le cancer deviendra ensuite visible de tous. Malgré les conflits belle-mère versus belle-fille qui nous ont déchirés, je sais que ce jour-là, c’est entre mes mains qu’elle a choisi de déposer ses cheveux.

Grâce aux mots de Nathalie, j’ai pu repenser le cancer à travers son prisme et celui de d’autres femmes qui vivent avec, plutôt que seulement le mien, celui de celle qui a co-habité avec celles qui en étaient habité. J’aimerais donc la remercier ainsi que la Tribune, pour nous les offrir, pour m’avoir permis d’ouvrir ma trappe et y voir du beau grâce à ceux-ci.

Photo d’un soir de danse dans notre salon, de fous rires avec le cancer entre nous.

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