Jasette autour d’une poubelle

J’ai menti à un inconnu aujourd’hui.

En descendant la rue King (Sherbrooke), mon regard c’est posé sur une murale urbaine et j’ai eu envie de la photographier. Je la trouvais belle, drôle et profonde.  En fait, il n’y a pas seulement l’oeuvre qui a attiré mon regard, mais aussi les différentes composantes l’entourant, dont le mur de briques et la poubelle.

Alors que j’étais en train de photographier cette composition, un gars qui remontait la rue s’est approché de moi:

Le gars: Hey! Je peux-tu te poser une question?

Moi: Ben oui!

Le gars: C’est-tu la poubelle que tu photographies?

Moi: Oh! non, non. Je prends la murale en photo (WARNING: Mensonge!)

Le gars: Oh. Ok.

Moi (hésitante): Toi, tu l’as trouves belle la poubelle?

Le gars: Ouain.

Moi: Ouais. Dans le fond, tout peut être beau.

Le gars: Oui. Faut juste prendre le temps de la regarder la poubelle.

Bam!  C’est ce que j’adore de ces rencontres impromptues et surprenantes. Parfois, tout un univers de sens et de poésie repose à l’intérieur d’une simple phrase. Il faut donner du temps à la beauté.

Asteur, pourquoi je ne lui ai pas dit à prime abord que je la trouvais belle cette composition murale-mur de briques- poubelle? Parce que j’avais peur de l’offenser. Qu’il pense que je prenne en photo le laid et les détritus de son quartier. Or, je l’habite moi aussi ce quartier. Je l’ai donc jugé en raison de son apparence et je me suis ainsi dissociée de lui. Je l’ai vu comme un « autre » et non comme mon égal qui pourrait lui aussi en apprécier la beauté -Quoique un de « mes pairs » pourraient très bien trouver cette composition inintéressante et ce serait correct aussi! Alors, sur quelles bases j’ai pré-établi une distance entre cet homme et moi? Sur des préjugés esthétiques. Il a le visage et la démarche de quelqu’un qui est sûrement plus jeune que ce que son corps laisse paraître. J’ai aussi eu le sentiment qu’il était en situation de pauvreté et que la vie ne l’avait pas épargné. Mais so what? J’ai moi-même connu les affres de la misère économique durant mon enfance.

Bref, j’apprends une fois de plus que malgré toute mes expériences ethnographiques au sein de groupes vulnérables et marginalisés et malgré mes belles valeurs sociales, il m’arrive encore d’avoir des réactions spontanées empreintes de préjugés. Nul n’est à l’abri de ses propres frontières interpersonnelles, des murs que l’on construit entre soi et les autres. So, let’s breack the wall. trou-2

Et au pire, quand j’y repense, si ça l’avait dérangé négativement que je photographie la poubelle, c’est quoi le pire qu’il aurait pu m’arriver? Qu’il se moque de moi? Qu’il m’envoie balader? C’est plate sur le coup, mais c’est un risque qui en vaut la peine, car ce qu’on a à y gagner c’est un bel échange franc et spontané…comme il s’en fait rarement dans un monde aseptisé par les apparences.

Si ce genre de réflexions vous interpellent, je vous invite à lire:

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